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Passé le poisson…

2 avril 2012

Mes chers vous,

la caution orthographique de ce blog, alias mon tuteur moral, à savoir ma môman, me faisait remarquer à juste titre que je me suis fait rare ces jours-ci.

Il faut vous dire, mes agneaux, que j’ai eu des jours sans actions notables suivis de quelques jours occupés.
Mais au sortir de ce week end (pour vous, pas pour moi, je vais vous expliquer) je vous fais un petit topo histoire de rattraper mon retard.
Pas d’article pour le 1er avril, au risque de vous décevoir.
Sachez qu’hier matin, je suis sorti, et ça m’a mis la fièvre.

Donc, revenons à jeudi pour vous expliquer la suite.
Jeudi, je vais avec le copain de Corinne et des copains à lui. Rendez vous sur un court de padel. Padel, c’est la transcription en espagnol du paddle-tennis, aussi nommé plateform-tennis.
Ce jeu est né de l’amour d’un tennisman pour une reine de beauté. Jouant ensemble au tennis, la belle se plaignait de la vigueur de son amant. Nous n’entrons pas là dans le scabreux. Mais la délicate en avait juste assez de recevoir des boulets de canon, plantée au fond du court comme un vulgaire canard de fête foraine. Alors l’amant, délicat malgré la testostérone et la passion pour la balle jaune, eût l’idée de couper son court en deux, de l’enfermer entre des murs et d’inventer une variante autorisant les rebonds contre les parois.
La balle devant rebondir au sol avant, pouvait donc être reprise plus en douceur. Le paddle était né.
Aujourd’hui, l’Argentine, l’Espagne, le Mexique et les Etats-Unis jouent au paddle. Quelques Français aussi. Gaël Monfils est ainsi champion du monde 2006 de cette catégorie.
Ce sport se joue avec une balle très similaire à celle du tennis et des raquettes pleines, anciennement des palettes de bois, désormais en fibres synthétiques. Le but, comme au tennis, est de faire passer la balle par dessus le filet puis de lui faire toucher le sol en premier. Si elle rebondit deux fois par terre, ou que l’adversaire la renvoie dans le filet, c’est raté pour lui. On compte les points comme au tennis.
Un sport assez ludique. Un peu abrupte à intégrer pour le pratiquant de squash que je suis qui ne cesse de frapper comme une brute dans le mur du fond. On est obligé de se contrôler.
A la fin de la séance, on va manger des pizzas. Et on évoque l’idée d’une sortie en montagne ce dimanche.

Vendredi.
Je me rends à l’almacen andante, l’association à laquelle appartient Emanuel. Ils organisent une coopérative de distribution de produits divers, alimentaires pour la plupart, issus de petits producteurs d’un peu partout.
Leur philosophie, c’est d’appliquer le prix juste (je n’ai pas dit le juste prix). En somme, le consommateur qui achète chez eux ne consomme que des produits issus d’un mode de production presque bio et surtout sans exploitation des travailleurs.
Parmi leurs fournisseurs, des paysans de Lavalle membre de l’Union des Sans-Terres. Eux rejoignent les principes de l’Almacen sur la question du prix juste.
Premièrement fondés sur la défense contre les expropriations, ils souhaitent défendre une collectivisation du travail et de la production, avec en plus une organisation horizontale qui rend les décisions démocratiques, mais parfois complexes, et qui demande de l’organisation et du travail intellectuel.
Mais c’est le prix de la dignité.

Samedi, on va donc voir ça de plus près.
Lavalle, province de Mendoza, à une quarantaine de kilomètres de la capitale provinciale. Le désert. Le vrai. Ici, les gens ont des problèmes de fourniture en eau. Et les paysans sont pauvres.
Mais tout de même, on voit sur place une organisation réelle des producteurs. Et plusieurs éléments de réflexions concrétisés quant aux modes de productions des denrées alimentaires. Ainsi, pour produire des jus, purées et coulis de tomates, on peut se contenter des fruits qui n’entrent pas dans le calibrage de la distribution. Et qui sont surtout produits avec le minimum de chimie, parce que ça coûte cher. Ces fruits et légumes, qui sortent du circuit de distribution, sont perdus pour les producteurs, qui les donnent pour rien ou contre des produits finis. Toujours ça de gagné pour les coopératives, toujours ça de pas perdu pour les producteurs voisins.

Mais, comme je vous disais, Lavalle, c’est le désert. Qui dit désert, dit soif. Qui dit soif, dit boire. Qui dit boire suppose d’avoir emporté de l’eau. Comme en plus de ça, votre dévoué n’a dormi que deux heures, suite à une vilaine insomnie, s’est mal réveillé, a mal déjeuné, puis a été pris par son tournage, s’est concentré tout le temps, a fait preuve d’abnégation pour filmer correctement, et bien votre dévoué s’est déshydraté. Mais bien.
Au point de rentrer crevé chez lui, de s’allonger lourdement pour essayer de reprendre des forces avec les tempes qui cognent et le front glacé.
De se réveiller trois heures plus tard, avec toujours le cerveau en surchauffe, les tempes qui cognent, et enfin la jugeote de se dire qu’il faudrait qu’il se réhydrate.
Mais tant va la cruche à l’eau, qu’à la fin elle se brise. Arrive un moment où le corps humain n’est pas une éponge que tu plonges dans l’eau pour la regonfler.
J’ai des vomissements.
Je me jette sous la douche pour me refroidir. Remplis une bouteille d’eau pour refroidir l’intérieur du corps. Je revois passer l’eau quelques minutes après avoir bu.
Passé un moment à patiemment récupérer sous la douche, je finis, avec le concours de Luis devenu mère poule, par ingurgiter un thé. Puis une soupe. Et par reprendre du poil de la bête.
Ici s’achève la galère, je suis remis sur pattes pour aller récupérer un peu plus mon déficit en sommeil.
Mais comme vous le devinez, la sortie montagne du dimanche est à l’eau, ce qui est un paradoxe.
Dimanche, donc, hier, c’est Hugo qui me prend sous son aile. Et le voilà qui m’emmène chez ses parents à San Martin, 20 kilomètres à l’est de Mendoza pour un de ces asados dont il a le secret. Je revois donc sa famille qui m’accueille une nouvelle fois à bras ouverts.
Nous restons à San Martin toute la journée, je rentre tard à la maison. Le temps de diner un peu et je vous écris. Me voilà.
Et demain, donc, puisque je vous disais que pour vous le week end est fini, en Argentine, le 2 avril est un jour férié.

En effet le 2 avril 1982 commençait l’invasion des îles Malouines par les troupes argentines. La junte militaire régnant à Buenos Aires tentait le coup de force pour récupérer ce caillou perdu dans l’Atlantique Sud, point de départ pour leurs ambitions sur des possessions dans l’Antarctique.
Cette vieille revendication territoriale avait surtout pour intérêt de créer une union sacrée dans une Argentine qui péchait gravement en droits de l’homme et en économie. L’inflation était alors phénoménale et une rapide victoire sur la petite garnison britannique était l’occasion de rassembler la population. De plus, le 30 avril, une manifestation pour le travail et le pain à Buenos Aires était durement réprimée. Mais les manifestants avaient reçu un bon accueil de la population, preuve que le régime vacillait.
Le mauvais calcul des militaires argentins fut de croire que le Royaume Uni de Thatcher, après des tergiversations diplomatiques et un début de désengagement sur l’île, accepterait le fait accompli.

72 jours plus tard, ce sont des troupes d’élite britanniques, qui vinrent massacrer les appelés du contingent argentins restés sur place, malgré une résistance acharnée.
Bilan des courses : 255 morts britanniques, 649 argentins. Une blessure profonde dans l’esprit des Argentins et une haine farouche contre les Anglais plus une « main de Dieu » et un but qualifié de « but du siècle » de Maradonna en 1986 au Mexique, pendant la coupe du Monde dans laquelle s’impose l’équipe du Pibe de Oro. Mais ceci est une autre histoire.

En conclusion, je vous précise que le 1er avril correspond en Argentine au jour des innocents, le 28 décembre. Et que moi, pour marquer le coup, j’ai mangé du merlu.

2 commentaires leave one →
  1. Maman de Mafalda permalink
    2 avril 2012 5:20

    Ah, merci pour les infos… et merci aussi à « maman » Luis!

  2. boucinho permalink
    6 avril 2012 9:22

    un article comme on aime en lire!!!

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